L'histoire des supermarchés en Côte d'Ivoire une bataille Franco-Libanaise....

Entre français, libanais et chinois, découvrez comment les supermarchés ivoiriens ont évolué à travers des rivalités marquantes.

L'histoire des supermarchés en Côte d'Ivoire une bataille Franco-Libanaise....

Les débuts : l'influence des compagnies commerciales coloniales

Les supermarchés ont été introduits en Côte d'Ivoire par les compagnies commerciales coloniales françaises et dans une moindre mesure européenne. Ils résultent des anciens comptoirs commerciaux coloniaux qui remonte au début de la pénétration européenne en Afrique.

Les plus importantes étant la Compagnie Française de l'Afrique Occidental (CFAO, 1881) et la Société Commerciale de l'Ouest-Africain (SCOA 1898) créée en 1898. Elles sont d'abord un complément aux activités des comptoirs de négoces et de traite café, cacao.

L'essor des premiers supermarchés

Les premiers « supermarchés » débuteront dans les années 50 dans le chic quartier du « Plateau » alors fréquenté par les Européens et l'élite africaine. Ce sont « Printania » de la SCOA et « Monoprix » de la CFAO, anciennement connu sous le nom de Galerie Barthes qui connaitra ses heures de gloire jusque dans les années70 avant qu'un détournement de fonds cumulée à la conjoncture économique de l'époque n'entraine sa fermeture par la CFAO en 1985.

Expansion et transformation des enseignes

Ensuite naitront avec la SCOA les « Chaîne Avion 1956 » et « Printania » devenu « Score » en 1975 qui étaient principalement implantées dans les quartiers populaires et approvisionnés par des centrales d'achat installées dans la métropole.

Les « Chaines Avion » ont écrit l'une des plus belles histoires de la grande distribution en Côte d'Ivoire avec plus de 200 succursales dans tout le pays partout où un camion d'approvisionnement des marchandises pouvait accéder.

Malheureusement, la mauvaise gestion, les couts de transports ont contraint la SCOA à quitter les plus petites villes dès la fin des années 70 et à fusionner « Chaines Avion » et « Score » en une meme entité « Ivoire Distribution » connu sous le nom commercial de « IVODIS » en 1981.

La nouvelle entité va moderniser les magasins de la « Chaines Avion » certains devenant des libre-service dotés de la climatisation et transformant d'autres en une nouvelle enseigne JOK avec trois magasins en 1983, à Cocody, Port-Bouët, et Adjamé 220 Logements.

Cependant, la crise économique des années 80 n'a pas permis à la SCOA de redresser la barre ainsi en 86 tous les magasins de la « Chaines Avion » sont cédés. En 1991 c'est au tour des magasins Score et JOK d'etre cédés au Groupe UNICOCI.

L'entrée des groupes syro-libanais et autres initiatives

En dehors de ces deux entités citées plus haut SCOA et CFAO, il y'a eu aussi des initiatives étatiques notamment avec la chaîne PAC (Programme gouvernemental d'Action Commerciale) au début des années 70 afin de promouvoir l'initiative privée ivoirienne à travers un contrat de franchise, la possibilité d'en devenir propriétaire et la vente de produits locaux principalement. Cette initiative n'a pas fait long feu.

Ensuite verront le jour d'autres initiatives privées avec SODICO qui inaugure le supermarché « PRIMA » à Marcory dans les années 1980 et un autre à Cocody.

Entre temps, étaient entrées dans le marché dans le grande distribution les grandes familles Syro-Libanaises...

L'emblématique Monoprix, autrefois connu sous le nom de Galerie Barthes, un pilier de la grande distribution ivoirienne
jusqu'à sa fermeture en 1985. Situé au Plateau, ce supermarché a marqué une époque de l'histoire commerciale de la Côte d'Ivoire

Le groupe SODICO ouvre « PRIMA » à Marcory dans les années 80 qui sera vite repris par le groupe SMTC (Supermarchés Trade Center) appartenant de la famille Fakhry déjà propriétaire de Trade Center au Plateau. La famille Khassam de PROSUMA (Société de Promotion des Supermarchés Groupe Prosuma) qui débute dans la grande distribution avec Nour AI Hayat au Plateau, ensuite Super Hayat à Marcory et Champion.

En illustration, image d'archives de la Galerie Nour Al Hayat, dans l'immeuble éponyme,
premier supermarché de la famille Kassam, sis au Plateau, Avenue Chardy et appartenant (supermarché et immeuble)
à la famille Kassam fondatrice de Prosuma avant l'Alliance avec les Fakhry et le groupe Mercure.

Crise et restructuration dans les années 1990

Dès le début des années 90 cohabiteront 4 enseignes qui se partageront le marché de la grande distribution, (Prima, SCOA, Prosuma, et SMTC); la CFAO étant sorti depuis 1985 du marché avec la fermeture de Monoprix. Cependant, de ces 4, ne survivront que 2 par effet de rachat et/ou fusion face à la crise économique.

Les deux survivantes sont les enseignes dirigées par des Syro-libanais (Prosuma, SMTC). SMTC rachetant les supermchés « PRIMA » au groupe SODICO et PROSUMA avalant ce qui restera de la SCOA notamment les magasins « Score » (15 magasins) qui deviendront plus tard des « Cash Center ou Cash Ivoire » en fonction de leurs superficies. Prosuma et SMTC fusionneront en 1992 pour faire face à la crise économique. La nouvelle entité gardera cependant le nom « PROSUMA » qui appartiendra désormais aux deux enseignes, à hauteur de 50 % chacune.

L'arrivée de nouveaux acteurs : SOCOCE et CDCI

La crise passée, un troisième acteur fait son apparition: Les frères Ezzedine. Une famille implantée à Gagnoa et qui a fondé en 1969 la Société Commerciale du Centre Ouest (SOCOCE CI SA) initialement spécialisée dans le commerce général et le négoce de cacao.

Dès 1994, la famille lance le « Club Sococe » qui connaitra son apogée en 1996, avec l'ouverture de l'hypermarché Sococe sur le boulevard Latrille à Cocody. Le premier hypermarché d'Afrique de l'Ouest avec une galerie marchande sur 20.000 m². Suivra l'accord de franchise avec le groupe français « TATI »... qui ne fera pas long feu malheureusement...

En illustration, 1975, le supermaché "Printania" du groupe SCOA en face de l'hôtel de ville actuel hôtel district au Plateau et qui a changé de nom pour devenir SCORE, puis CASH en 1992 avec le rachat par PROSUMA et aujourd'hui devenu SUPER U.

Le supermarché Printania, une enseigne phare de la SCOA, qui a évolué pour devenir Score, avant de se transformer en Cash Center.
Printania était un symbole du développement de la grande distribution dans les années 50 au Plateau, autrefois fréquenté par l'élite et les expatriés

L'histoire des supermarchés en Côte d'Ivoire une bataille franco-libanaise....et/ou Chinoise

En 1999, la majorité des parts de la famille Ezzedine dans le « Club SOCOCE CI SA » est rachetée par la société S2P (Société des Deux Plateaux) avec pour actionnaire majoritaire le Groupe Prosuma et l'entrée au capital de PROSUMA du groupe Mercure International de Monaco. Puis, en 2000, c'est l'ouverture du centre commercial Cap Sud par le groupe PROSUMA.

En 2002, la famille Ezzedine, après la cession de sa majorité de ses parts dans SOCOCE (elle ne détenait plus qu'environ 25%), se remet de nouveau en selle avec l'acquisition de la CDCI et ses 18 magasins initialement spécialisés dans la commercialisation des produits du groupe Unilever en Côte d'Ivoire et filiale de Unilever African Compagny (UAC), elle-même, filiale de l'ancienne compagnie Française de Côte d'Ivoire (CFCI).

Après le rachat de CDCI, suivront la création de cinq enseignes au fil du temps par la famille Ezzedine: CDCI GRANDE DISTRIBUTION CDCI gros, CDCI demi-gros, King Cash Saver, Socoprix, SOCOFRAIS et la franchise Leader Price qui elle sera revendue au groupe français Carrefour.

À côté de ces deux géants libanais (PROSUMA et CDCI), un autre groupe, libanais également fera son apparition : le groupe Orca qui ouvrira en 2016 Abidjan Mall; son troisième site après les deux premiers situés à Marcory.

Après la crise post-électorale les grands groupes français de la grande distribution feront leur retour. Notamment Carrefour en partenariat avec CFAO après l'avoir abandonné dans les années 80-90 alors que ce secteur est présentement dominé par les groupes libanais. Après Carrefour, suivront les enseignes telles Auchan Retail Côte d'Ivoire, Casino, Spar, Vival mais c'est sans compter les Chinois qui ont également flairé le potentiel de ce marché notamment avec l'ouverture des China Mall, China Smart..

PS: L'activité commerciale et de distribution (GMS) n'a jamais été l'apanage des ivoiriens. Et cela n'est pas nouveau. Déjà, en 1957 à Abidjan, sur 2.607 boutiques dénombrées, on n'en comptait que 459 appartenant à des Ivoiriens. Sur 3.884 tabliers, seulement 840 sont ivoiriens. Parmi les 300 sociétés d'import-export, pas plus de 10 appartenaient à des ivoiriens...


Un article d'Adeline KONAN, Responsable commerciale du Groupe WIASSUR